[ Paysages de rêverie ]
Le paysage est comme une grande image offerte au laisser-aller de l’imagination, de la rêverie, du songe. Qui ne s’est jamais surpris à voir dans telle colline un animal endormi prêt à surgir des buissons ? Qui n’est jamais parti en voyage virtuel en admirant l’horizon au-dessus d'une vallée, d'un désert, d'une crevasse, d'un glacier, d'une delta...? Qui ne s’est jamais hissé au plus haut de lui-même en fixant son regard au sommet d’une montagne ?
Cette lecture rêveuse du paysage, Brankica Zilovic-Chauvain la reprend pour elle-même dans sa nouvelle série de toiles et de dessins. Le fil, sa substance de prédilection, tisse, trace, dessine les contours de paysages énigmatiques, surprenants, catalyseurs d’illusions. Avec une légèreté extrême, des nuages floconneux tout recouverts de neige répandent leurs pluies grisâtres dans un ciel translucide. Or, ces nuages, ne seraient-ils pas plutôt des monts et des vallées tout irisés d’un givre troublé par la pluie d’un ciel menaçant ? Chacun trouve sa réponse, chacun fait jouer son regard : la vision est double, triple…et bien plus.
Nous sommes dans le mystère, dans l’irrationnel, une nouvelle fois à la frontière ténue entre abstraction et représentation. Brankica Zilovic-Chauvain aime rester dans cette zone incertaine propice à toutes les propositions graphiques. Ses toiles et ses dessins se répondent en parfait écho dans des tonalités de noirs et de blancs. Osé ! pour cette artiste adepte de la couleur éclatante. Ce choix de l’épure dans les teintes émane d’une volonté de concentrer l’attention sur les formes, les contours, les volumes, les lumières. Le paysage noir-gris-blanc est inédit, majestueux, intrigant. On pense forcément aux formidables gravures de Dürer pour la finesse du trait et la puissance d’évocation. On pense aussi aux grisailles des vitraux du moyen-âge pour les intensités sombres ou lumineuses. Comment ne pas évoquer encore des testes de E.Foch, G.Bachelard, H.Michaux, sur la force d’inspiration de la montagne, ou bien les impressionnantes descriptions d’Hermann Broch dans son roman «Le tentateur».
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